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Épisode 1 : ma rencontre avec Bernard est à lire ! Et pourquoi pas ?

Bernard : la rencontre
" Et si écrire, c'était tout simplement ne plus taire cette âme en soi ? "
François Cheng
écrivain, poète et calligraphe

Et oui, il y a un début à tout ! Aujourd’hui, je me suis dit qu’il était temps, pour celles et ceux qui ne connaissent pas le podcast mais qui tombent par hasard sur le site (merci les algorithmes) : pourquoi ne pas leur donner à lire ce qu’ils n’ont pas encore entendu ? S’ils ne sont pas fans de l’audio ou tout simplement sourds et malentendants, pourquoi ne pas leur offrir ce que je dis, en lecture ?

Oui, c’est vrai, pourquoi pas ?

Alors à moins que vous ne soyez arrivé.e. ici via l’un de mes réseaux sociaux type Instagram, Facebook ou encore Linkedin vous allez peut-être me lire pour la première fois.

Donc voilà, je me suis décidée à vous partager aussi mes textes à l’écrit et j’en suis très heureuse. Parce que cela fait déjà des mois que je pense (et travaille un peu) à une version écrite des épisodes audio que je vous partage via le podcast Restez dans le Flow. Celui où je prends la parole seule et rien que pour vous. Mais je n’arrive pas à me décider quant au format d’ouvrage. Dois-je en faire un guide pratique sur la résilience comme j’en vois paraître partout de mois en mois ? Ou bien dois-je rester sur une version plus classique type autobiographie ? D’ailleurs, serait-ce l’autobio d’une ancienne #metoo, d’une ancienne résiliente ou d’une affranchie ? Un mix des trois, peut-être ?

Bon, comme vous le voyez, je ne suis pas décidée et j’en ai eu marre de me poser la question seule alors qu’au final, je peux déjà commencer par vous partager mes textes ici, n’est-ce pas ? 😄 Et qui sait, cela vous donnera peut être envie d’aller écouter ?

Il faut savoir qu’un épisode écrit pour de l’audio ne l’est pas pour de la lecture. J’écris et je réécris de manière à avoir mon texte en bouche. Je fais en sorte que ma voix soit fluide, que je ne bute pas sur les mots, qu’on ait l’impression que je suis dans mon flow de parole. Alors… bon… oui, je suis dans mon flow c’est certain, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de travail derrière, qu’il n’y a pas de ratures, qu’il n’y a pas plusieurs semaines d’écriture et d’attente entre chaque version pour qu’à la fin cela vous paraisse complètement naturel à entendre.

En réalité, je tente de faire un deux en un : un texte qui fonctionne aussi bien à la lecture qu’à l’écoute. Pas simple !

Mais trêve de bavardage, il est temps d’y aller.

Bonne lecture !

Bernard : la rencontre

Bonjour ! Aujourd’hui, je vais vous parler de ma première rencontre avec Bernard.

J’ai rencontré Bernard lorsque j’avais 8 ans. Vous allez me dire : c’est plutôt précis comme âge pour une rencontre avec un être imaginaire, non ?

Oui, je suis d’accord… mais était-il vraiment imaginé ? 

Peut-être avais-je un peu plus de 8 ans, peut-être un peu moins. Je pourrais même vous dire qu’en réalité plus les années passent et moins je sais. Ce serait normal, non ? 

Eh bien non ! En fait, plus je vieillis plus je reste persuadée que j’avais réellement 8 ans et que Bernard n’était pas le fruit de mon imagination.

Le moment précis où j’ai entendu Bernard pour la première fois chuchoter à mon oreille, je me trouvais sur le chemin qui passe juste en dessous du pré aux ânes. C’est comme ça qu’on appelait le pré que mes frères et moi longions chaque jour pour retourner chez nous. Une fois que nous avions quitté la petite route qu’il nous fallait prendre pour revenir de l’école située en haut du village, nous finissions par le chemin des Gautières en passant devant ce pré et la forêt. L’hiver, ce pré était génial à descendre sur une luge. Enneigée, la pente était idéale pour ça. Et l’été, un ou deux ânes mangeaient tranquilles et nous regardaient passer. Je les aimais bien ces ânes.

À l’époque, mon grand frère était un préado de 13 ans et mon petit frère un gamin de 3 ans. J’étais donc fille unique, coincée entre deux mecs et déjà des idées bien arrêtées sur ce que je n’accepterais jamais comme différences entre les genres. Par exemple, je savais que je ne ferais jamais les corvées ménagères dont je voyais ma mère esclave à côté de son propre travail. Je suis d’accord, le mot est un peu fort puisque ce n’était pas le cas et que mes parents se partageaient – et se partagent encore – les tâches in and out. Comprenez : l’intérieur pour elle, l’extérieur pour lui. Et moi, à 8 ans, je voulais être comme lui !

Donc je ne me vivais pas différente de mes frères. Pourtant, c’est bien cette différence de genre qui, pour moi, sera dramatique. 

Mes parents habitaient un petit village dans le département de la Loire où s’étaient préalablement installés mes grands-parents paternels, de vrais Siciliens qui parlaient en roulant les « r » et toujours avec une chanson ou le rire aux lèvres. Surtout mon grand-père. C’était un sacré loustic.

Si tous mes amis habitaient une maison dans ce village perché sur une bute, j’étais la seule à devoir « descendre » de cette bute pour rejoindre la maison de mes parents collée au flanc d’une colline boisée. Tout le monde aimait venir jouer chez moi. La forêt nous donnait de quoi nous amuser pendant des heures à construire des cabanes et la Loire, non loin, était le lieu idéal pour aller pêcher des poissons-chats infects et rire tous ensemble en revenant à vélo. 

Un hiver, pour mon anniversaire, l’un de mes amis du club des 5 – c’est comme ça que nous nous nommons, mes amis d’enfance et moi – défia le temps et les 1 mètre de neige pour m’apporter son cadeau, un magnifique livre de Sarah Kay. Chaque année j’étais celle qui avait droit à son anniversaire avec une quinzaine d’enfants de sa classe à jouer comme des fous dans la maison enchâssée dans la forêt. Ce sont de super souvenirs. Vraiment. Pour rien au monde, je ne les changerais. 

Et là, vous vous demandez : « mais pourquoi nous raconte-t-elle tout ça ? On a tous eu une enfance. La sienne avait l’air sympa, mais de là à en faire un podcast, il est où le rapport avec son thème de la résilience ? »

Et bien nous y voilà. J’avais 8 ans et cela faisait déjà 5 ans que j’étais victime de viols incestueux. C’est con, n’est-ce pas ? Dis comme ça, ça fait un peu brutal. Après la luge, la forêt, la pêche, les copains… On était si bien. Un peu comme dans l’univers de Sarah Kay avec ses illustrations d’un monde harmonieux où les enfants, les animaux et les plantes vivent leur vie. Une vie où les enfants ont des visages d’anges et les petites filles une garde-robe bucolique avec des volants, des liberty, des carreaux et des chapeaux de paille. Ah ! Et n’oublions pas les poupées de chiffons. Même moi j’en avais une ! 

Eh oui. Je me sentais vivre un peu comme ces personnages. Mais apparemment, personne n’avait jamais expliqué à un certain sicilien de 65 ans qu’il n’avait pas le droit de toucher à l’enfant de son fils. Autrement dit, sa petite-fille. Moi. Une jolie gamine à bouclettes rousse. Et là, ce n’était pas de la fiction.

Je suppose que c’est pour ça qu’un jour mon sauveur est arrivé ! Après 5 premières années dramatiquement merveilleuses dans ce petit village où je vivais depuis mes 3 ans, Bernard est apparu. Non ! Pardon, non. Dit comme cela, on a l’impression que je l’ai vu avec mes yeux. Je devrais dire : Bernard s’est fait entendre. Bon, il m’a dit qu’il s’appelait Bernard et entre nous si je l’avais inventé je n’aurais jamais choisi un prénom aussi pourri. Il n’était pas fait de chair et de sang, il n’avait rien d’humain et pourtant il était bel et bien là pour moi ! Je devais être sa nouvelle mission.

Une petite intervention, peut-être ? Si si, allez-y, je sens bien que vous en mourrez d’envie : « Mais, heu… elle ne serait pas un peu tarée, en fait, cette femme ? »

Ce serait tellement plus facile. Je vous rassure, ni moi ni qui que ce soit autour de moi et qui connait mon histoire ne le pense. J’ai bien la tête sur les épaules. Ne vous méprenez pas lorsque je dis « sauveur » en parlant de Bernard. Je ne veux pas dire qu’il a fait tout le boulot et moi rien du tout ! Non non non. En réalité, c’est bel et bien moi qui en ai fait une grande partie. Vous savez, ce boulot de la résilience ! Parce que vous vous doutez bien que passer des années à être le jouet à bouclette d’un individu masculin incapable de se retenir ça laisse des traces. Certes. Mais des traces qu’on peut accepter et dépasser !

À 43 ans, cette petite fille qui avait 8 ans lorsque Bernard, son ange gardien – appelons-le comme ça – s’est manifesté fait toujours partie de moi et je suis fière d’elle comme elle est fière de la femme que je suis devenue. En ça, oui, Bernard a vraiment contribué à ce que cette petite fille s’épanouisse et grandisse en gardant sa tête sur ses épaules. Et c’est énorme. 

À partir de ce jour-là, j’ai pu converser avec quelqu’un, j’ai pu échanger sans aucun tabou, sans aucune crainte, sans aucun mensonge, sans aucun jugement.

J’aimerais pouvoir vous dire ce que Bernard m’a dit lors de son arrivée, sur le bord du chemin. J’aurais voulu pouvoir vous décrire la tête que j’ai faite quand je l’ai entendu la première fois. Mais là, c’est sûr, je n’en ai aucun souvenir. Pourtant, ce devait être quelque chose de simple. De très simple : « c’est bon, je suis là maintenant, ça va aller. Tu ne seras plus jamais seule. »

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